L’année dernière, plusieurs revirements de jurisprudence ont été opérés en matière de congés payés. Les entreprises doivent les analyser pour la clôture des comptes 2023. Il en est ainsi du principe selon lequel les salariés doivent acquérir des congés payés lorsqu’ils sont en arrêt maladie. La Cour de cassation a jugé en septembre dernier (pourvoi n° 22-17.340) que cette exigence du droit de l’Union europénne s’applique quelle que soit l’origine de la maladie, professionnelle ou non. Et donc que le code du travail n’y est pas conforme. En effet, l’actuel article L 3141-5 limite, s’agissant de l’arrêt maladie, le droit à congés à la maladie professionnelle, cette dernière étant assimilée à une période de travail effectif — l’accident de travail ouvre aussi droit à congés payés dans les mêmes conditions. Ce qui revient à dire que cet article exclut l’arrêt pour cause de maladie non professionnelle du droit à congés payés.
Autre sujet abordé par la plus haute juridiction judiciaire en septembre 2023, celui de la durée maximum pendant laquelle le salarié acquiert des congés payés lorsqu’il est en arrêt pour maladie professionnelle ou pour accident de travail. Ce même article L 3141-5 limite la période de calcul des congés payés à un an (ininterrompu) de suspension du contrat de travail. La Cour de cassation a pointé là aussi le fait que le code du travail n’est pas conforme au droit de l’Union européenne (pourvoi n° 22-17.638).
Enfin, la Cour de cassation a précisé que le délai de prescription de l’indemnité de congé payé ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congé payé (pourvoi n° 22-10.529). Auparavant, ce délai démarrait, dans tous les cas, lorsque la période de prise de congés payés s’achevait.
Les entreprises doivent donc analyser les conséquences comptables potentielles de ces positions jurisprudentielles. Le Conseil national de l’Ordre des experts-comptables (Cnoec) vient d’apporter un éclairage dans la perspective de la clotûre 2023 des comptes annuels. Tout en soulignant qu’il existe des incertitudes juridiques de taille notamment celle du délai de prescription des arrêts de travail à prendre en compte pour le calcul des congés payés. Soulignons aussi que, selon le Conseil d’Etat, le gouvernement souhaite apporter des modifications sur ce sujet dans le cadre d’un projet de loi actuellement débattu au Parlement, celui portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole.
Pour le Cnoec, chaque entité doit réaliser une analyse au cas par cas pour déterminer le traitement comptable des congés payés concernés par ces nouveautés jurisprudentielles. Pour lui, les situations comptables qui résultent des arrêts de travail sont les suivantes :
► pour les salariés ayant quitté l’entreprise qui ont demandé une indemnité de congés payés : comptabilisation d’une dette en cas d’accord de l’entreprise avec le montant demandé étant précisé qu’un bulletin de paie est à établir ; si la demande est en cours d’instruction mais que l’entreprise n’a pas encore donné son accord, il faut enregistrer des charges à payer (comptes 428 et 438) ou une provision (compte 15) en fonction du degré d’incertitude ;
► pour les salariés ayant quitté l’entreprise qui n’ont pas demandé d’indemnité de congés payés : comptabilisation d’une provision (compte 15) si l’entreprise estime qu’une sortie de ressources est probable ou certaine ou, dans le cas contraire, mention d’un passif éventuel dans l’annexe ;
► pour les salariés présents dans l’entreprise pour lesquels la situation est régularisée sur le bulletin de paie : comptablisation de charges à payer (comptes 4282 et 4383) ;
► pour les salariés présents dans l’entreprise pour lesquels la situation n’est pas régularisée sur le bulletin de paie : enregistrement d’une provision (compte 15) si l’entreprise estime probable ou certaine une sortie de ressources ou, dans le cas contraire, mention d’un passif passif éventuel dans l’annexe.
De plus, « les conséquences comptables induites par les décisions de la cour de cassation doivent être traitées comme des changements d’estimation conformément à l’article 122-5 du PCG, c’est à dire de manière prospective », avance le Cnoec. Il est donc probable que ce sujet impacte à la baisse les bénéfices nets comptables 2023 de certaines entreprises. Dans quelle mesure ?