Actuellement, le résultat exceptionnel n’est pas — explicitement — défini au plan conceptuel dans le droit comptable français. Le PCG (plan comptable général) détermine la rubrique exceptionnelle des produits et des charges uniquement sous la forme d’une liste des comptes (subdivisions des comptes 67 et 77). Cela pose d’autant plus problème que l’article R. 123-192 du code de commerce prévoit que « les produits et charges de l’exercice sont classés au compte de résultat de manière à faire apparaître par différence les éléments du résultat courant et le résultat exceptionnel dont la réalisation n’est pas liée à l’exploitation courante de l’entreprise ».
Dans le cadre du chantier dit de modernisation des états financiers, un règlement de l’autorité des normes comptables (ANC) définit cet indicateur. Ce règlement a été homologué fin 2023 par un arrêté (NOR : ECOT2332129A) publié au journal officiel. Le principe consiste à comptabiliser en résultat exceptionnel les produits et les charges directement liés à un événement majeur et inhabituel (voir les explications dans l’encadré ci-dessous). Dans ses commentaires infra-règlementaires (voir la version commentée du règlement comptable n° 2022-06), lesquels n’ont pas de portée obligatoire, l’ANC fournit des repères et des exemples. Ainsi, elle considère que « l’appréciation du caractère majeur et inhabituel d’un évènement est spécifique à chaque entité. Un même événement, dans une circonstance spécifique, peut être qualifié de manière différente ».
Autre précision, celle selon laquelle « la qualification d’un même type d’événement peut évoluer. A titre d’exemple, une entité participe, au titre d’un exercice donné, à une opération de mécénat, illustre l’ANC. En raison de son caractère majeur et du fait qu’il ne relève pas de son activité normale et courante, l’entité qualifie le mécénat d’événement majeur et inhabituel. Au cours d’un exercice ultérieur, l’entité décide de développer le mécénat. Le mécénat ne conserve plus son caractère inhabituel car il a vocation à se reproduire d’un exercice à l’autre. La nouvelle appréciation de l’événement «mécénat» au cours d’un exercice ultérieur ne remet pas en cause la qualification retenue antérieurement », analyse l’ANC.
Article 513-5 du PCG (extrait)
« Sont comptabilisés en résultat exceptionnel les produits et les charges directement liés à un événement majeur et inhabituel. Un événement est majeur lorsque ses conséquences sont susceptibles d’avoir une influence sur le jugement que les utilisateurs des documents de synthèse peuvent porter sur le patrimoine, la situation financière et le résultat de l’entité ainsi que sur les décisions qu’ils peuvent être amenés à prendre.
Un évènement inhabituel est un événement qui n’est pas lié à l’exploitation normale et courante de l’entité. Un événement est présumé inhabituel lorsqu’un même évènement ne s’est pas produit au cours des derniers exercices comptables et qu’il est peu probable qu’il se reproduise au cours des prochains exercices comptables.
Un même évènement peut avoir des conséquences sur plusieurs exercices comptables. Dans ce cas, si les charges et les produits liés à cet événement sont classés en résultat exceptionnel au cours du premier exercice comptable, les produits et charges ultérieurs sont également classés en résultat exceptionnel jusqu’à l’extinction des conséquences de l’événement.
Les produits et les charges directement liés à un événement majeur et inhabituel sont ceux qui n’auraient pas été constatés en l’absence de cet événement. Les aides, les remboursements et les indemnités directement liés à l’évènement majeur et inhabituel et reçus en compensation de charges d’exploitation sont classés en résultat d’exploitation ».
Exemples de produits et charges exceptionnels (extraits des commentaires infra-réglementaires de l’ANC) :
► Un désengagement ou un désinvestissement (par exemple un abandon d’activités ou d’actifs qui n’ont plus de lien avec l’activité normale et courante de l’entité), une expropriation, une cyberattaque, une catastrophe naturelle… sont des évènements susceptibles de remplir les conditions pour être qualifiés d’évènements majeurs et inhabituels.
► Dans l’hypothèse où une dotation aux provisions remplit les conditions pour être comptabilisée dans le résultat exceptionnel, les charges réellement encourues et la reprise ultérieure de la provision sont constatées en résultat exceptionnel.
Toutefois, d’autres situations prévoient d’enregistrer une charge ou un produit en exceptionnel, ce qui amène à un total de 4 situations conduisant à mouvementer le résultat exceptionnel :
► Sont comptabilisés en résultat exceptionnel les produits et les charges directement liés à un événement majeur et inhabituel ;
► Les écritures comptables d’origine purement fiscale, telles que définies et prévues par les règlements de l’Autorité des normes comptables, sont comptabilisées en résultat exceptionnel ;
► Sont inscrits en résultat exceptionnel les changements de méthode comptable que l’entité est amenée à comptabiliser en résultat, plutôt qu’en capitaux propres, en raison de l’application de règles fiscales ;
► Les corrections d’erreurs sauf lorsqu’il s’agit de corriger une écriture ayant été directement imputée sur les capitaux propres.
Cette nouvelle approche du résultat exceptionnel est applicable aux comptes individuels et consolidés en normes françaises pour les exercices ouverts à partir du 1er janvier 2025 — une application anticipée est toutefois possible à compter de la date de publication de l’arrêté au journal officiel, c’est à dire à compter du 30 décembre 2023. Et elle est porteuse de conséquences extra-comptables. Ainsi, la participation des salariés pourra être affectée, à la hausse comme à la baisse, par un reclassement d’un produit (ou d’une charge) exceptionnel en produit (ou charge) courant (d’exploitation ou financier, selon le cas), ce qui entraînera une modification de la valeur ajoutée dans ce contexte. Rappelons que la formule légale de la participation tient compte de la valeur ajoutée de la façon suivante :
► Formule légale de participation des salariés (article L 3324-1 du code du travail) :
0,5 * (bénéfice net – 5 % des capitaux propres) / (salaires / valeur ajoutée).
► La formule légale de la valeur ajoutée pour la participation est la somme des postes suivants : (article D 3322-4 du code du travail) :
1° Les charges de personnel ;
2° Les impôts, taxes et versements assimilés, à l’exclusion des taxes sur le chiffre d’affaires ;
3° Les charges financières ;
4° Les dotations de l’exercice aux amortissements ;
5° Les dotations de l’exercice aux provisions, à l’exclusion des dotations figurant dans les charges exceptionnelles ;
6° Le résultat courant avant impôts.